Pendant que l’Europe cherche à tout mettre en place pour honorer les dettes publiques que détiennent les banques et sauver la monnaie unique, les Etats-Unis recourent à des moyens non conventionnels pour se sortir en partie de l’impasse de la dette.
L’intérêt du « Quantitative Easing 2.0 »
Les réactions à la politique de monétisation de la dette publique étasunienne par la Fed ont été mitigées. Certains ont crié au risque d’hyperinflation et d’effondrement du dollar. Mais, ce scénario est extrêmement peu probable. En effet, si la Fed va racheter pour 600 milliards de dollars de bons du Trésor, il faut noter que cela ne représente que 5% de l’ensemble de la dette publique (qui approche les 12 000 milliards) et environ 4% du PIB du pays. La planche à billet reste limitée.
En outre, si la monétisation a un effet inflationniste, cela ne serait pas un mal dans une économie qui subit des pressions déflationnistes. L’inflation est au plus bas, à peine 1%. Pire, malgré l’envolée des déficits et de la dette, l’endettement global de l’économie étasunienne diminue du fait de la réduction de l’endettement des ménages et des entreprises. Du coup, les effets négatifs de la monétisation seront très limités. Mais cela ne règle pas les déséquilibres fondamentaux de l’économie outre-Atlantique…
En revanche, la politique de la Fed sera très utile pour le pays. Ce programme de rachat de Bons du Trésor va permettre de limiter les taux longs étasuniens, qui sont à peine supérieurs à ceux de l’Allemagne. Ainsi, cela va réduire le montant des intérêts payés et contribuer au rééquilibrage budgétaire. Mieux, cela a eu pour effet de faire baisser le dollar, ce qui va améliorer la balance commerciale en pénalisant les importations et en agissant comme une subvention pour les exportations.
Une Europe ballotée par les marchés
A l’opposé du pragmatisme étasunien, l’Europe poursuit une politique totalement irréaliste, dans le seul objectif de sauver l’euro monnaie unique et de protéger les créances des banques. La cure d’austérité drastique imposée aux pays de la périphérie du continent provoque une véritable dépression économique (le PIB de la Grèce et de l’Irlande aura reculé de plus de 10% en seulement trois ans), affaiblissant considérablement la capacité de remboursement de ces pays.
Du coup, les marchés leur imposent des taux longs toujours plus élevés. Pour l’instant, la Grèce s’en sort grâce au fond européen qui leur permet d’emprunter à des taux plus bas que ceux du marché. L’Irlande a des réserves importantes de liquidités qui lui permettent de se passer encore des marchés pendant quelques mois, mais tout le monde sent bien que cette solution n’est pas durable. C’est pourquoi l’Union Européenne et le FMI préparent un plan pour l’Irlande.
Le point positif de cette situation a été de préparer l’opinion publique à la possibilité d’une fin de l’euro monnaie unique, hypothèse évoquée maintenant dans plusieurs pays et qui a poussé le « président » de l’Europe a tiré la sonnette d’alarme. Dans une belle ironie de l’histoire, il est probable que c’est le marché qui fera tomber la monnaie unique, ce même marché dont l’Europe aura paradoxalement assuré la toute-puissance. On ne peut pas nier la réalité…
Si les Etats-Unis mènent une politique insoutenable à long terme, leur choix à court terme est sans doute le bon, pour défendre leurs intérêts. L’Europe, par son dogmatisme néolibéral parvient à mener des politiques qui sont à la fois néfastes à court et à long terme.
Laurent Pinsolle